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Guider les enfants en situation de handicap sur le chemin de l’école - Les enseignant-e-s itinérant-e-s au Togo

Gabriel Perriau

Chargé des communications pour Humanité & Inclusion Canada

Avec l’aide de Aissatou Sy, Chargée des communications, Éducation inclusive en Afrique de l’Ouest pour Humanité & Inclusion

Kombéna est assise sur un petit tapis tissé qui couvre le sol battu. Il ne fait pas très clair dans sa hutte fabriquée en branchage, en paille et en terre séchée. La jeune fille arrive tout de même à lire à son tuteur le texte qu’il lui a remis. Alors qu’un vent vigoureux souffle dans les herbes hautes de la plaine togolaise, l’atmosphère à l’intérieur est paisible, et un mince filet de lumière éclaire le visage de l’élève et le mouvement de ses lèvres qui répètent ce qu’elle lit du bout des doigts. Non-voyante de naissance, Kombéna a appris à lire le braille et est aujourd’hui en troisième année à l’école primaire publique de Bodjopal, à Dapaong.
Âgée de 14 ans, Kombéna est parmi les plus talentueuses de sa classe et est en voie de passer au cycle supérieur. Ce succès est en partie grâce à l’aide de Kossi Gawou, enseignant itinérant pour Humanité & Inclusion (HI), qui la soutient aussi bien à la maison qu’en classe depuis le CP1, l’équivalent de la première année du primaire au Québec.
« Nous servons de lien entre la famille et l’école. Souvent, il est difficile pour un enfant avec un handicap, comme Kombéna, de se rendre en classe. Je dois donc trouver des solutions. J’appuie aussi le travail de l’enseignant titulaire, avec le braille par exemple, pour améliorer le travail de l’enfant. Si les enfants ont besoin de matériel pour une leçon, j’essaye de le fabriquer », explique M. Gawou.

Le travail de M. Gawou est essentiel pour l’apprentissage de Kombéna. À titre d’enseignant itinérant, il a bénéficié de plusieurs formations en éducation inclusive ; l’étude du braille et celle de la langue des signes en sont deux bons exemples.
« Je suis très contente de l’appui que m’apporte l’enseignant itinérant ! Sans lui, je pourrais difficilement réussir mes examens de passage. J’espère qu’il continuera de me soutenir afin que, dans deux ans, je puisse réussir mon CEPD (1) », s’exclame Kombéna avec enthousiasme !

UNE STIGMATISATION DES ENFANTS EN SITUATION DE HANDICAP

Si Kombéna fait aujourd’hui figure de modèle d’intégration au Togo, son cas n’illustre pas une situation répandue dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest qui compte
620 000 personnes en situation de handicap. Dans la région de Dapaong, par exemple, la majorité des enfants en situation de handicap ont difficilement accès au système de l’éducation.
« Les parents se disent que l’état de l’enfant ne peut pas lui permettre de fréquenter l’école, ils sont réticents. Les membres de communautés sont souvent peu informés
au sujet du handicap ; ils ont des réactions négatives et critiques envers les enfants en situation de handicap », explique l’enseignant itinérant, lui-même père de deux
jeunes filles.
Ensuite, ce sont les infrastructures qui ne sont pas adaptées. On trouve rarement des rampes d’accès pour les fauteuils roulants ; la lumière en classe est la plupart du temps insuffisante pour les enfants avec une déficience visuelle, et les moyens de transport ne sont pas facilement accessibles dans cette région du Nord Togo. Enfin,
il y a un manque en matière de politiques inclusives, tant à l’échelle nationale que locale. Le handicap est encore trop souvent abordé selon une approche médicale, et les gouvernements ne traduisent pas toujours la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CRDPH) en politiques concrètes.

HUIT MILLIONS D’ENFANTS EN SITUATION DE HANDICAP NON SCOLARISÉS

En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, 24 millions d’enfants, dont 13 millions de filles (2), ne vont pas à l’école primaire. La non-scolarisation et la déscolarisation ont plusieurs causes majeures (l’éloignement de l’école, la pauvreté des familles, les problèmes de santé, les conflits, les crises humanitaires, la stigmatisation sociale sur le genre, etc.), mais le handicap demeure un des facteurs les plus aggravants. HI estime que 30 % des enfants dans cette région qui ne vont pas à l’école primaire ont
un handicap, ce qui équivaut à la population entière du Québec ! Cette population d’enfants vulnérables constitue donc une grande partie des exclus scolaires.
En plus de la mise en place d’un système d’enseignant-e-s itinérant-e-s, HI organise des activités centrées sur l’enfant, comme le recensement des enfants en situation de handicap, leur prise en charge médicale, et leur suivi scolaire et à domicile. L’organisme participe également au renforcement des capacités des acteurs de l’éducation au moyen d’activités de sensibilisation et de formations dont l’objectif est de s’extirper du carcan de la culture de l’enseignement spécialisé au profit d’une éducation plus inclusive. Le projet a également pour ambition d’accompagner
le ministère de l’Éducation au Togo, notamment avec la production d’un manuel de formation sur cette même thématique.

PARTICIPER À L’ESSOR DE LA JEUNESSE DE SON PAYS

Enseignant dévoué, Kossi Gawou est aujourd’hui détenteur d’un certificat d’aptitude à la pédagogie (CAP). Son engagement envers les enfants en situation de handicap
dans les classes dont il a souvent eu la charge lui a valu d’être détaché comme enseignant itinérant depuis le 29 mars 2016 par la Direction régionale de l’Éducation
des Savanes.
Fort des compétences acquises avec HI, ce dernier s’est spécialisé dans l’encadrement d’enfants avec des problèmes de vision, mais il soutient aussi quelques élèves avec des déficiences intellectuelles dans des classes ordinaires. « J’encadre à ce jour vingt-cinq élèves déficients visuels et intellectuels et je suis très fier du soutien que je leur apporte. Grâce à cet appui, ils ont aussi la possibilité de progresser dans leur scolarité au même titre que les autres enfants », confie M. Gawou avec énergie.

Crédit photo : Humanité & Inclusion

Notes

(1) Équivalent du diplôme d’études primaires au Québec.

(2) Rapport sur les bonnes pratiques en matière d’éducation des filles et des femmes en Afrique de l’Ouest, septembre 2014, UNICEF, FAWE, ANCEFA, PLAN, Aide et Action UNGAI.



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