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Je m’éveille, tu t’éveilles, nous nous transformons. Quel rôle pour les séjours d’initiation à la solidarité internationale dans les écoles ?

Sarah Charland-Faucher

Coordonnatrice et formatrice pour le Carrefour international bas-laurentien pour l’engagement social (CIBLES) Participante à un stage en milieu scolaire en 1998 au Nicaragua avec le Groupe d’entraide international Spirale

Partout au Québec, des centaines de jeunes et moins jeunes partent chaque année à la rencontre d’autres peuples et cultures à travers des petits et grands projets d’initiation à solidarité internationale avec leur école. Ces expériences vécues grâce à un personnel habituellement mobilisé et engagé sont souvent très positives pour les élèves, mais il n’est pas toujours évident de mesurer les retombées sociales tant individuelles que collectives de tous les efforts investis.

Est-il possible de faire jaillir de ces expériences les compétences transversales nécessaires à un vivre-ensemble local et mondial harmonieux afin que le projet ne soit pas réduit à un voyage consommé puis jeté quelques mois après le retour quand les émotions se seront assoupies ? D’autre part, comment s’assurer que les participant- e-s ne quittent pas, peut-être inconsciemment, avec un esprit colonisateur qui a jadis, et qui encore aujourd’hui dans de nouvelles formes, causé tant de dommages chez les populations rencontrées même si les stagiaires ont de bonnes intention ? Si certaines personnes qualifient, à tort, leur projet « d’aide humanitaire », il s’agit plus souvent qu’autrement d’expériences d’initiation à la solidarité internationale puisque les participant-e-s n’ont encore ni la formation, ni les savoir-être et savoir-faire pour être de réels partenaires de coopération et ni l’expertise de pointe pour intervenir en situation de crise comme l’exige l’aide humanitaire.

Pour le Carrefour international bas-laurentien pour l’engagement social (CIBLES) basé à Rimouski qui se spécialise, entre autres, dans l’animation de formations préparatoires avant ce type de séjours, il est crucial de faire une part très large à la sensibilisation, l’information et la conscientisation afin que l’expérience soit transformatrice et sème les germes dans les cœurs et les têtes dont la planète a besoin pour donner une chance à l’avenir des humains. Il s’agit aussi de développer l’esprit critique qui permettra de comprendre sa propre posture de départ avant de penser à aider ou changer les autres ou le monde. Pour le CIBLES, ces séjours sont bel et bien un moyen et non une fin. Que cherchons-nous à poser dans
les bagages de ces jeunes en partenariat avec nos hôtes à l’international ? Que désirions-nous observer chez les participant-e-s suite aux formations pré-départ, à l’expérience outremer, aux formations de retour et même dans les mois et années suivant un séjour à l’international ?

Des participant-e-s qui ont renforcé leur estime et connaissances d’elleux-mêmes, leur confiance en soi et leur confiance en leurs prochains.

Pourquoi ? Parce que l’estime de soi et la confiance sont une base essentielle pour entrer en relation avec les autres et le « monde extérieur », sans peurs, de façon saine et pacifique. Parce que se connaître permet d’identifier les valeurs qui nous constituent et qui entreront inévitablement en conflit avec d’autres au cours de notre exploration du monde.

Des participant-e-s qui ont du plaisir à travailler en équipe et à se soutenir mutuellement.

« Tout seul, on va plus vite, mais ensemble on va plus loin » peut devenir plus qu’un slogan lorsqu’on l’expérimente concrètement, dans la joie autant que possible ! Pourquoi ? Parce que l’esprit d’équipe et de communauté est une base pour développer des projets plus grands que soi, chercher des résultats collectifs mais aussi pour permettre à un sentiment d’appartenance d’émerger. Sans ce dernier, aucune solidarité n’a l’habitude de germer. Or, la solidarité est un ingrédient crucial pour cocréer une société plus juste et harmonieuse tout comme une école
où il fait bon étudier.

Des participant-e-s qui s’intéressent à l’histoire qui les précède et distinguent leurs privilèges.

Pourquoi ? Parce que la connaissance du passé nous permet de mieux comprendre les réalités actuelles, de diminuer les jugements, de changer les comportements qui se doivent de changer pour ne pas reproduire ce que nous ne souhaitons plus observer dans le monde. Parce que reconnaître ses privilèges peut ouvrir la porte à une plus grande humilité, écoute et sensibilité à l’égard de celles et ceux qui en ont peu ou pas ou n’ont pas les mêmes.

Des participant-e-s plus à l’écoute et plus tolérant-e-s à l’ambiguïté

Pourquoi ? Parce les différences culturelles seront aux rendez-vous, tout comme les défis reliés à la vie en groupe et en collectivité.

Des participant-e-s plus à l’écoute, curieux et ouverts d’esprit et plus tolérant-e-s à l’ambiguïté.

Pourquoi ? Parce que le monde est complexe, les cultures et sensibilités distinctes et que si l’écoute et la curiosité ne débouchent pas sur une compréhension mutuelle, au moins, il est possible pour mieux vivre ensemble de demeurer patient à son propre égard et à l’égard des autres faces à ce qu’on ne comprend pas. Cela a aussi pour effet de diminuer les jugements trompeurs ou les interprétations erronées tout comme la violence qui peut en découler.

Des participant-e-s qui explorent et apprivoisent le sentiment de coresponsabilité et non de culpabilité.

Pourquoi ? Parce que découvrir l’histoire, l’état du monde, les injustices, la pollution, les conflits armés, le pillage et l’exploitation des ressources par les compagnies ou pays les plus puissants peut amener beaucoup de culpabilité aux participant-e-s qui réalisent comment s’est accumulée la richesse et se sont développés les privilèges dont ils profitent. La culpabilité est rarement un moteur de changement durable et peut mener différents mécanismes de défense avec le temps : repli, indifférence, cynisme, dépression, gestes charitables occasionnels pour déculpabiliser… Le sentiment de coresponsabilité nourrit la volonté de solidarité et la motivation à travailler en équipe pour trouver des solutions et modifier les comportements comme les règles ou les politiques qui causent les problèmes observés tant dans le groupe que dans le pays d’accueil que dans la société au retour de stage.

Des participant-e-s qui veulent participer à une transformation positive du monde et s’engager dans leur milieu ou à l’international tant au niveau personnel que professionnel.

Pourquoi ? Parce qu’on en a drôlement besoin, vous ne croyez pas ?

Certains diront : « Ce n’est qu’un court stage|séjour de 2-3 semaines, voire de 2-3 mois. Pourquoi se donner tant de mal alors que le financement d’une telle expérience demande déjà tellement d’énergie » ? Parce que les projets de séjours internationaux sont portés par un désir commun des participant-e-s et sont donc une occasion précieuse pour le milieu scolaire de rencontres enrichissantes sur plusieurs mois en plus de représenter une opportunité hors du cadre académique habituel permettant le dialogue, des prises de consciences et la mise en pratiques des valeurs humanistes que nous souhaitons voir modeler le présent et l’avenir.

Ne pas s’impliquer dans la formation pré-départ et de retour, ne pas se préoccuper que le séjour ne soit ou ne devienne qu’un « trip » à consommer et qui n’apporterait principalement qu’un lot de beaux souvenirs et des bonus sur un CV, c’est passer à côté - comme participant-e, comme personne accompagnatrice, comme organisme, institution scolaire ou partenaire du projet - d’une opportunité pédagogique incroyable afin de participer à la formation des actrices et acteurs de changement dont le Monde a besoin.

Illustration : Jacques Goldstyn



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