Le réseau des Éducateurs sans frontières (ÉSF) est un regroupement d’éducatrices et d’éducateurs canadiens d’expérience qui ont décidé d’agir de façon bénévole comme conseillères et conseillers auprès de leurs homologues dans les systèmes scolaires et communautaires des pays francophones du Sud afin de partager leur savoir-faire et favoriser le partage des connaissances avec pour but ultime d’améliorer la qualité de l’éducation dans les pays d’intervention de la Fondation.
Une citoyenneté solidaire
Avant de vous présenter quelques initiatives locales, permettons-nous quelques réflexions sur ce que peut être une citoyenne ou un citoyen solidaire au niveau local et international.
Pour être citoyenne ou citoyen, il faut être instruit et comprendre son monde. On ne peut atteindre toute sa dimension humaine et sociale sans un savoir accessible, disponible et de qualité. La mondialisation des économies, des cultures, des politiques, des échanges qui ont « rétréci » notre planète, nous oblige à avoir une vision large et solidaire de nos interactions locales, nationales et internationales. La solidarité citoyenne vise à inciter les populations à participer au développement de leur groupe par leur implication dans les projets d’intérêt général.
Nos interventions en tant qu’ÉSF peuvent se définir par un certain nombre de mots-clés : accompagnement, renforcement des capacités, conscientisation, cheminement vers la responsabilisation et l’autonomie.
En travaillant avec les intervenantes et intervenants scolaires et communautaires, nous aidons à créer une éducation de qualité et participons à l’émergence de qualités citoyennes. Nous accompagnons nos partenaires terrain en étant à l’écoute de leurs besoins, en collaborant avec eux dans une réflexion interactive et une planification participative et en assurant des suivis en personne ou à distance.
Notre objectif ultime est d’aider nos partenaires à exprimer leurs besoins, à imaginer les outils nécessaires pour y répondre, à être capables de travailler en équipe et de partager leurs réflexions, à devenir responsables de leurs prises de décisions et autonomes face aux changements qu’ils ont décidé d’apporter.
De plus, la Fondation entend participer à l’éducation et à la sensibilisation de nos élèves canadiens face aux enjeux mondiaux et aux inégalités Nord/Sud, grâce à la Dictée PGL. Cette dictée connaît un vif succès puisque, depuis sa création, plus de 4 000 000 d’élèves québécois et canadiens y ont participé, mais aussi des enfants des États-Unis, du Sénégal, d’Algérie et du Maroc.
Après ces quelques réflexions liées à la solidarité internationale, nous nous rapprocherons de la réalité du terrain par des exemples concrets, sélectionnés en Haïti, au Mali et au Bénin, interventions aidant nos partenaires à tendre vers une éducation de qualité et donc à développer davantage de qualités citoyennes.
En Haïti, Bénin et Mali : Programme d’insertion durable des diplômés du secteur agropastoral (IDDA)
Le projet IDDA a pour objectif ultime une prospérité économique accrue des populations béninoises, haïtiennes et maliennes par les programmes de compétences pour emploi. Ce projet d’envergure permettra également de moderniser le secteur agricole qui est parmi les plus porteurs : au Bénin 58% de la population se retrouve dans ce secteur mais seulement 2% des chefs d’exploitation sont scolarisés ; au Mali 63% de la population active est en agriculture mais peu ou pas scolarisés ; en Haïti, dans le Sud Est, si 67% de la population travaille la terre, seulement 0,23% ont fréquenté un centre de formation professionnelle.
Pour améliorer les compétences des jeunes et leur accessibilité au marché du travail, le projet se base sur l’objectif d’amélioration des programmes d’études dans le domaine agropastoral (cours et stages) et sur un processus d’insertion professionnelle des jeunes. Par l’éducation et le renforcement de leurs capacités en agriculture et en élevage, ainsi qu’en gestion et en entrepreneuriat, les jeunes se verront mieux outillés pour aborder le marché du travail. Un accompagnement leur sera disponible lors de recherche d’emploi ou de démarrage d’entreprise.
À la fin du cycle de 5 ans, les programmes des dix établissements concernés auront été refondus et améliorés, 200 enseignants et gestionnaires formés et, si la tendance se maintient, plusieurs milliers d’étudiants et d’étudiantes obtiendront leur diplôme, ayant acquis des compétences et des techniques adaptées à leur coin de pays, et pourront devenir des atouts majeurs pour leur famille et leur communauté.
Le programme IDDA se caractérise notamment par son pragmatisme et l’atteinte de résultats immédiats et durables. Malgré les défis de réalisation au Bénin et plus encore au Mali et en Haïti, les trois volets de sa mise en œuvre fonctionnent en synergie et visent à permettre aux diplômés des centres de formation de contribuer concrètement au développement de leur communauté, dès la première des trois années du curriculum. Par le volet gestion organisationnelle, IDDA aide ces centres à mieux planifier et administrer leurs activités et à demander leur accréditation auprès des institutions publiques. Le volet formation professionnelle permet aux élèves, femmes et hommes, de réaliser des apprentissages qui combinent théorie et pratique de production, et de se préparer à devenir des entrepreneurs. À titre d’exemple, les élèves doivent développer leurs capacités en soin des champs (cultures, irrigation, protection des sols), sont en charge de poulaillers et de l’élevage de chèvres, de jardins de productions agricoles (pépinières, potagers) et s’occupent de la mise en marché de leurs produits. Enfin, dès la première année du programme le volet insertion permet à des stagiaires de travailler chez des employeurs, IDDA ayant aidé les centres à obtenir des ententes avec ces structures d’accueil. Ces jeunes se lancent ensuite en entreprises agricoles durables et respectueuses de l’environnement.
D’ailleurs, le programme PAREA vient renforcer le projet IDDA par l’apport d’un effort spécifique en environnement et lutte contre les changements climatiques. Il a pour objectif ultime d’améliorer la résilience aux répercussions des changements climatiques de 375 entreprises agricoles de jeunes diplômés des lycées techniques agricoles (LTA) de Sékou et de Kika au Bénin.
Projet d’Appui au parcours entrepreneurial des femmes de Porto Novo (PAPEF)
Le projet d’Appui au parcours entrepreneurial des femmes de Porto Novo (PAPEF) au Bénin est la suite du projet Femmes de Porto Novo. Le projet Femmes de Porto Novo, qui a débuté en 2003 et s’est poursuivi jusqu’en 2015, accompagnait des groupements de femmes dans un parcours entrepreneurial visant à les appuyer dans la lutte contre la pauvreté grâce à des activités génératrices de revenus. Le projet PAPEF s’inscrit comme la suite logique de ce projet qui a accompagné pendant plus de 13 ans plus de 129 groupements, soit l’équivalent de plus de 1300 femmes.
Prenons l’exemple d’une de ces coopératives de femmes : la coopérative WANGNINANGBE qui signifie « association de l’amour ».
À la faveur du Projet gouvernemental de Gestion Urbaine Décentralisée (PGUD) (Porto-Novo au Bénin) puis accompagnée par le projet PAPEF, une coopérative est créée et s’attelle à la transformation des graines de courge, vielle activité traditionnelle rare pratiquée par la grand-mère d’une des femmes fondatrices de la coopérative. Aujourd’hui, la coopérative gagne en notoriété et s’impose comme partenaire commercial de l’huile de courge sur le marché. Elle vend l’huile de courge aux centres de promotion sociale, aux hôpitaux et cliniques, aux diabétiques, aux particuliers et aux pays frontaliers du Bénin, voire au-delà. La production reste encore artisanale et la capacité de production annuelle actuelle est de 1200 litres d’huile de courge. Le litre d’huile coûte actuellement 2500 F CFA (environ 6$CAN).
La coopérative a bénéficié d’un appui matériel et de crédit. Le total des prêts reçus à ce jour est de 5 000 000 F CFA (11 750$CAN) dans le CANre des activités du Projet des femmes de Porto-Novo. Le chiffre d’affaires annuel actuel avoisine 3 000 000F CFA (7 050$CAN). Toutes les femmes membres de la coopérative travaillent ensemble et reçoivent chacune une ristourne d’au moins 13 000F CFA (31$CAN) chaque mois en dehors des prestations facturées et payées comme main d’œuvre. La coopérative emploie près d’une dizaine de personnes comme main d’œuvre externe.
Ces femmes ont dû se prêter à un véritable « parcours de la combattante » pour arriver à cette victoire : elles commencent par une formation en alphabétisation : langue locale Goun (11 mois) ; français fondamental (5 mois) ; examen en vue d’une certification gouvernementale ; puis viennent les formations et l’accompagnement en gestion/vie coopérative ainsi que des formations techniques. Une fois les formations terminées, elles reçoivent un appui en élaboration de plans d’affaires, une dotation en équipement ainsi qu’un micro-crédit. Des suivis serrés sont établis pour la mise en œuvre des plans d’affaires et des remboursements, ainsi qu’un accompagnement pour les activités quotidiennes au sein des coopératives.
Actuellement, 100% des emprunts ont été remboursés dans les temps impartis dans leur plan d’affaires. La coopérative est gérée par 8 femmes et la cogestion est facilitée par une présidente de coopérative.
Ces femmes championnes ont non seulement développé des capacités de production et de gestion mais elles ont compris l’importance de travailler ensemble pour le bien de tous.
De nombreux autres projets de la Fondation sont déployés pour amener des actions concertées par des individus, mais surtout par des regroupements d’individus (de femmes, d’agricultrice-teur-s, d’artisan-ne-s) appelés à unir leurs efforts.