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Déclaration des membres et partenaires de l’AQOCI

Ce que le Québec doit faire dès maintenant pour transformer le monde : 10 pistes d’action

Nous sommes des organismes de solidarité d’ici et d’ailleurs, des membres et des partenaires de l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI), des organismes travaillant pour un monde plus juste et solidaire aux quatre coins du Québec et de partout dans le monde.

Plus que jamais, la lutte contre les inégalités et les injustices perpétrées au Québec doit inclure celles commises à l’échelle mondiale. Car les causes des discriminations vécues ici sont étroitement liées à celles subies ailleurs dans le monde.

C’est dans un monde marqué par une pandémie de COVID-19 qui a exacerbé les inégalités existantes que nous lançons notre appel à agir dès maintenant. Un rapport publié juste avant le début de la pandémie soulignait que les quelque 2 000 personnes les plus riches de la planète se partageaient une fortune plus grande que l’ensemble des ressources dont disposaient pour vivre les 4,6 milliards de personnes les plus pauvres. Or, cet écart de richesse a continué de se creuser pendant la crise sanitaire alors que ces milliardaires ont augmenté leur fortune de 3 900 milliards de dollars , soit l’équivalent de 75 fois les dépenses annuelles du Québec en santé.

Cette accentuation des inégalités s’est manifestée dans plusieurs autres domaines. Depuis le début de la pandémie, on constate une hausse des violences à l’égard des femmes, spécifiquement de la violence conjugale, et un accroissement de la pauvreté. Les personnes des pays les plus appauvris ont connu une diminution importante de leur niveau de vie et, partout dans le monde, ce sont les personnes que notre système vulnérabilise qui ont éprouvé le plus lourdement la maladie et la mortalité, faute d’accès suffisant aux protections et aux soins. L’insécurité alimentaire s’est aussi grandement aggravée, le nombre de personnes souffrant de la faim ayant presque doublé en 2020. Et l’accès aux vaccins, reflétant davantage les intérêts nationaux des pays du Nord qu’une véritable solidarité mondiale, est très loin d’être équitable. Pourtant, nous ne pourrons vaincre cette implacable maladie que si la vaccination est disponible pour toutes les populations, particulièrement les plus vulnérables.

On assiste aussi à une multiplication et à une intensification des conflits, des violences et de la répression contre des communautés et des peuples. Nous déplorons notamment le fait que les États aient trouvé le moyen en 2020 d’accroître de manière importante leurs échanges commerciaux d’armes et de consacrer 1830 milliards aux dépenses militaires, un nouveau record . C’est 11 fois plus d’argent que ce qui est consacré à l’aide publique au développement !

Et il y a la crise climatique qui transforme notre planète en profondeur à une vitesse inégalée et qui va irrémédiablement modifier les conditions de vie, d’habitation et l’alimentation de toute la planète, affectant de manière disproportionnée les pays et les populations qui y ont le moins contribué.

Nous pouvons transformer le monde dès maintenant !

Collectivement, nous menons les actions nécessaires pour accélérer la transformation du monde afin de le rendre véritablement juste et égalitaire. Il y a urgence ! Nous interpellons l’ensemble des parlementaires québécois à emboîter le pas et à accroître leur engagement. Nous proposons d’agir en intégrant les analyses et les pistes de solutions élaborées par les grands mouvements sociaux d’ici et du Sud, des nombreux organismes partenaires de la solidarité internationale québécoise et des personnes directement touchées par les inégalités systémiques.

1. Valoriser les savoirs et les pistes de solutions des communautés et des groupes de personnes touchées par les inégalités et les injustices systémiques.

Toutes initiatives, politiques et programmes déployés ici et à l’international doivent être planifiés en prenant en compte les savoirs, les analyses et les pistes de solutions des communautés ou groupes de personnes affectées par les injustices et les inégalités, notamment les femmes, les Peuples autochtones, les personnes racisées, LGBTQI2S+, celles vivant avec un handicap, etc.

2. Lutter contre l’évasion fiscale et taxer la richesse des grandes entreprises et des plus riches

En plein scandale des Pandoras Papers, on ne peut plus nier la nécessité d’abolir les paradis fiscaux qui dépossèdent les gouvernements du monde de 427 milliards de dollars chaque année, les pays du Sud étant proportionnellement plus durement touchés. Ces paradis fiscaux favorisent l’essor de la criminalité et de la corruption. Or, un impôt de 1 % sur les fortunes de plus de 20 millions de dollars se traduirait par des recettes de 10 milliards de dollars au cours de la première année seulement. Cela permettrait de mobiliser suffisamment de ressources pour réinvestir dans nos services publics, nos programmes sociaux, les organismes communautaires et la solidarité internationale.

3. Prendre position contre les inégalités affectant massivement les communautés du Sud dans la lutte contre la COVID-19

Sur les tribunes fédérales et internationales auxquelles il a accès, le Québec doit prendre position : 1) pour que les brevets sur les vaccins contre la COVID-19 soient libérés dans les plus brefs délais ; 2) pour que soit mis en place un mécanisme multilatéral visant à garantir une distribution mondiale des vaccins basée sur les besoins et selon un ensemble de principes transparents, équitables et scientifiquement solides, afin de mettre fin à l’appropriation actuelle des doses et le verrouillage des commandes par les pays riches ; 3) pour que la dette des pays du Sud, en grande partie abusive, soit allégée et pour que l’aide d’urgence à ces pays soit offerte sous la forme de subventions et non de prêts.

4. Encourager et soutenir l’agroécologie et le commerce équitable

Tant dans nos programmes agricoles d’ici que dans nos initiatives de solidarité internationale, l’encadrement et le soutien à l’agriculture doit 1) tenter d’atténuer le pouvoir de l’industrie agroalimentaire qui promeut une agriculture industrielle beaucoup plus polluante, nécessitant plus d’eau ainsi que le recours à des intrants chimiques nocifs pour la terre, l’eau et la santé humaine ; 2) soutenir les méthodes de production plus respectueuses de l’environnement, de la terre et des droits des gens qui la travaillent ; 3) promouvoir le commerce équitable. Par exemple, Québec doit soutenir activement la recherche, le développement et l’utilisation de méthodes agroécologiques, ainsi que le recours aux semences paysannes.

5. Combattre les racines profondes de la violence et de la discrimination contre les femmes et basées sur le genre

Tant ici que dans nos politiques et programmes internationaux, le Québec doit 1) soutenir les organisations par et pour les femmes et les personnes LGBTQI2S+ ; 2) poursuivre les efforts en vue de sensibiliser et former le public et différents acteurs étatiques et non étatiques sur les causes profondes des violences contre les femmes et basées sur le genre ; 3) poursuivre les efforts en vue de créer des solutions de rechange aux systèmes de police et de justice criminelle ; et 4) valoriser à leur juste mesure, notamment financièrement, les métiers majoritairement occupés par les femmes, dont plusieurs relèvent du service public.

6. Respecter et protéger pleinement les droits des personnes migrantes et réfugiées

Ces personnes sont souvent les plus vulnérabilisée de notre monde. Travaillant dans les services essentiels, tant dans la production agricole que dans le travail de soin, nombre de ces personnes se voient dénier la protection et le respect de leurs droits, souvent en raison de programmes que nous avons mis en place. Le Québec doit donc réviser ses programmes de recours au travail temporaire pour offrir aux travailleuses et travailleurs migrants la possibilité de demander un statut permanent et pour mettre en place des mesures de protection et de recours en cas de violations de leurs droits. Le Québec doit aussi bonifier ses programmes d’accueil pour les personnes réfugiées et immigrantes. Et il doit intensifier la sensibilisation du public sur sa nécessaire participation au soutien à l’inclusion de ces personnes.

7. Mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies pour les droits des Peuples autochtones et reconnaître le racisme systémique en s’attaquant à ses racines profondes

Le Québec doit mettre en œuvre les recommandations de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des Peuples autochtones et de la Commission de vérité et réconciliation. Et il doit poursuivre le développement d’une réelle relation de nation à nation avec les peuples autochtones fondée sur la reconnaissance des droits, le respect et la coopération. Au Québec comme ailleurs dans le monde, le racisme systémique est présent. Pour le contrer, il faut le reconnaître, le comprendre et agir collectivement. On doit intensifier l’éducation des différents acteurs étatiques et non étatiques et la sensibilisation du public. Nous devons écouter celles et ceux qui vivent les effets du racisme systémique au quotidien et appuyer leurs luttes. Le Québec a la responsabilité d’adopter des mesures concrètes pour contrer toutes les formes de racisme systémique.

8. Amorcer une véritable transition économique et écologique

La transition économique et écologique doit comprendre la mise en place de mesures ambitieuses vers des économies carboneutres qui sont aussi porteuses de justice sociale et respectueuses des écosystèmes. Il faut reconnaître, dans nos lois, nos politiques et nos programmes, les ressources naturelles et tout ce qui est nécessaire aux besoins de base comme des biens communs et les gérer en fonction des droits humains. Au niveau financier, le Québec devrait interdire tout nouveau financement de projet d’extraction d’hydrocarbure ; et abandonner graduellement le soutien aux industries polluantes et dévastatrices, en réallouant les ressources aux initiatives visant la protection de la terre, du vivant, de l’eau et des écosystèmes. Il devrait en être de même pour nos programmes internationaux 1) en soutenant activement les communautés et les organisations qui luttent pour la protection de la terre, du vivant, de l’eau et des écosystèmes ; et leur venant en aide dans leur adaptation aux impacts de la crise climatique ; 2) en donnant la priorité à l’aide aux pays à faible revenu qui sont confrontés aux plus grands défis climatiques, notamment en agissant sur l’allégement de la dette et en augmentant les financements sous forme de subventions.

9. Contribuer activement à la prévention des conflits et à la construction de la paix

Le Québec doit mener des initiatives de plaidoyer, tant auprès du gouvernement fédéral qu’à l’échelle internationale pour : 1) que diminuent les ressources allouées à l’industrie militaro-industrielle afin d’investir plutôt massivement dans les organisations et les réseaux du Sud qui travaillent à la construction de la paix, notamment les groupes de femmes ; 2) que le Canada se dote d’un véritable mécanisme de justice pour les communautés d’ailleurs lésées par les activités des compagnies canadiennes à l’étranger, notamment les entreprises extractives dont les activités sont source de pollution, de répression et de violences à l’encontre des communautés dans plusieurs cas ; 3) et que le Canada se dote d’une loi sur la diligence raisonnable ? pour encadrer les activités de ces compagnies dans le but de prévenir les abus.

10. Promouvoir et soutenir les initiatives d’éducation à la citoyenneté mondiale (ECM)

En conclusion, nous invitons le gouvernement du Québec à promouvoir et à soutenir les initiatives d’Éducation à la citoyenneté mondiale (ECM) et d’éducation populaire. Les problématiques auxquelles fait face l’humanité sont de plus en plus complexes et interreliées. L’ECM permet de comprendre les causes structurelles des rapports de pouvoir qui créent des injustices et des inégalités. L’ECM devrait notamment être le fil conducteur du nouveau cours « Culture et citoyenneté québécoise », parce qu’elle favorise l’émergence de prises de conscience, de solutions et d’actions fondées particulièrement sur les savoirs et les analyses des groupes les plus discriminés. Elle privilégie l’action en réciprocité et la construction de liens de coopération et de solidarité entre les personnes, les communautés et les peuples face aux défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés. L’ECM est essentielle à l’édification d’un monde d’égalité, de justice, de solidarité, de liberté et de paix.


Nous signons la déclaration

Organisations qui ont signé la déclaration

  1. SUCO
  2. Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI)
  3. [ZAA.CC]
  4. Mission inclusion
  5. Carrefour international bas-laurentien pour l'engagement social (CIBLES)
  6. Comité de Solidarité/Trois-Rivières
  7. Carrefour de solidarité internationale
  8. Fondation Paul Gérin-Lajoie
  9. L'AMIE
  10. Equitas
  11. Centre de solidarité internationale Saguenay-Lac-Sait-Jean
  12. Clowns Sans Frontières
  13. Ingénieurs Sans Frontières Québec
  14. Village Monde
  15. IRIS Mundial
  16. Comité pour les droits humains en Amérique latine
  17. Aide internationale pour l'enfance
  18. CRÉDIL-Comité régional d'éducation pour le développement international de Lanaudière
  19. Oxfam-Québec
  20. Centre international de solidarité ouvrière (CISO)

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